SILHOUETTES RETROUVEES


Prieuré du Brégain

Entre Broualan et Epiniac, sur le bord d'un plateau qui surplombe le marais de Dol, s'élévent les restes pittoresques du prieuré du Brégain, aujourd'hui transformé en ferme. Il s'agit certes d'un ancien établissemens monastique, mais nullement d'une abbaye. En effet, les prieurés étaient le plus souvent de véritables manoirs appartenant à de grands monastères, qui y dépéchaient quelque moines pour assurer la gestion du domaine agricole s'étendant à l'entour. lls possédaient armoiries et droits féodaux, cour close et défenses contre les bandes de maraude tentée par les biens des moines. Le prieuré du Brégain s'inscrit donc bien dans la liste des châteaux et manoirs du Combournais...

Il est cité dès 1122, date à laquelle le pape Calixte ll confirme les moines de Saint-Florent (abbaye bénédictine importante de la région de Saumur) dans la possession de l'église du Brégain; cette confirmation est répétée par le pape Urbain III en 1186. En 1606, le roi Henri IV fait don du prieuré aux jésuites du collège de Rennes qui en restent propriètaires jusqu'à la révolution.

Le prieuré du Brégain, placé sous le vocables de Sainte Marie et Saint Michel, était un établissement important, à qui étaient dues de nombreuses diatteignaientmes dans toute la région avoisinante: en 1790, ses revenue atteignaient la somme de 5000 livres. Le Prieur, en échange, était tenu à certaines obligations, notamment celle de célébrer trots messes par semaine dans la chapelle Saint-Michel ( qui se voit encore au sommet de la tour) les mercredi, vendredi et dimanche. Un texte d'archives, daté de 1679, nous en donne la description suivante: « La maison priorale du Brégain, consistent en deux grands corps de logis qui font une équerre terminée d'une chapelle, proche laquelle est un colombicr, avec une grandc cour, jardin et pare entouré de murailles.

Des bâtiments qui autrefois entouraient la cour close ne subsistent à l'heure actuelle que deux corps de lugis. Le premier, au nord, est une longère basse qui présente encore quelques éléments sculptés du XVIe siècle dans ses fenêtres. Le second, à l'ouest, n'est autre que l'ancien logis prioral. Ce curieux édifice fur bâti au XIVe siècle par un maitre d'oeuvre savant, venant à coup sûr de l'abbaye bénédictine du Mort Saint-Michel. Il fut restauré au XVI° siècle comme en témoignent la porte en accolade du rez-de-chaussée et les grandes fenetres à croisées, aujourd'hui bien mutilées, de la farade (1); enfin, il fut amputé de son étage supérieur avant d'être affecté à un usage agricole.

Heureusement, de nombreux détails encore observable permettent de restituer avec beaucoup de préci sion l'état primitif de l'édifice. Faisons done un saut dans le temps pour évoquer la belle silhouette du logis prioral du Brégain. tel qu'il se présentait il y a six siècles.

II s'agit d'un vaste bátiment rectangulaire renfermant un rez-de-chaussé et un étage, chacun occupé par une seule grande piece. En teas se trouve la cuisine des moines, salle hassechauffe que chauffe une vaste cheminée à chapiteaux, logée dans un massif de maconnerie qui fait saillie sur la facade arrière à l'ouest; sans doute cette pièce faisait - elle aussi office de dortoir pour les quelques religieux qui vivaient, au prieuré. Au dessus règne la «salle haut," immmense nef reservée à ;a reception des hôtes et peut-être au logement du Prieur, chef de la petite communauíé. Cetíe vaste salle occupe la hauteur de deux niveaux, c'est à dire celle de l'étage augmentée de celle des combles. En effet, elle n'est pas surmontée d'un grenier mais s'élève jusque sous la toíture; un lambris en berceau la couvre, laissant apparaìtre les entrails de la charpente. L'ensemble es t désservi par une tourelle carrée d'escalier engagie dans l'angle nord-est de l'édifice. Jusqu'à la hauteur de l'étage, elle est portée

encorbellemenr sur des contre forts plats soigneuse ment appareillés et s'élève ensuite à une hauteur bien supérieure à cefle du toit primitif. Sa couverture, faite en batière selon une habitude normande, est encadrée par deux pigeons regardant l'est et l'ouest.

L'accès à l'intérieur du bàtiment se fait par cette tour, grace à une poperçéerte unique perçée dans la face nord, à la hauteur de l'étage, à laquelle conduisent un escalier extérieur en bois et un porche couvert qui protège l'entrée. On peut marcher ainsi directemenent dans léscalier en vis que rentferme la tour et qui permet de gagner soit la salle haute, soit de descendre au rez-de-chaussée, soit de monter vers les superstructures.

La partie haute de la tour est occupéc par une première pièce à laquelle une trappe au sommet de l'éscalier donne accès; de là, quelques marches faites de blocs de pierre cngagés dans la maçonnerie conduisent à une pièce supérieure, elle-même surmontée d'un troisième niveau sous la charpente de la tour. Ce dernier étage: n'est autre qu'une chapelle: on y voie une piscine, les restes presque effacés d'un décor de fresques, et la fenêtre prïncipale, à l'est, est une longue lancette trilobée que fermait autrefois un vitrage. Commmc la plupart des chapelles hautes au moyen-âge, celle-ci était consacrée à Saint-Michel; de la fenêtre en ogîve, on peut d'ailleurs apercevoir au loin, vers le nord-est, le sanctuaire de l'Archange, sur son célèbre rockier isolé dans les grêves.

Mais la partie supérieure de la tour est aussi une sorte de donjon où l'on pouvait se retrancher et d'où t'on controlait les alentours et les accèsbois de la seconde pièce, un guichet surveillait la salle haute et une échauguette de bois posée en encorbellemeat au sommet de la tour, uauvrait les faces nord et ousst de celle-ci; elle était accessible de la chapelle. Encore aujourd'hui, les corbaux de pierre qui supportaient ce dispositif se voient sur la muraille. Une ouverture étroite, à la pointe du pigeon nord du batiment, permettait de gagner l'échauguette depuis la grande salle haute même lorsque l'escalier était investi; ce passage était gardé de la chapelle par un guichet de surveillance.

Résidence quasi-seigneuriale et maison-forte, le logis prioral du Brégain était aussi une oeuvre architecturale de grande qualité. A l'heure actuelle, la tour d'escalier, bien conservée, étonne surtout par sa hauteur, impression due à la disparition de l'étage supérieur du logis. Mais à l'examen, la qualité de caille et de montage des maconneries et des ouvertures n'est pas moins surprenante. La mise en proportion, d'une rare élégance (2), est renforçée par l'agencement savant des fenêtreorientaless orientales de la tour: leur hauteur et leur espacement vont en s'accroissant selon tear répartition de teas en haut. Cette disposition raffinée accentue l'effet de verticalité, déjà souligné par la minceur du support de l'encorbellement.

Le Brégain est un monument trop mal connu et souvent ignoré; il est cependant plein d'intérêt de charme. Espérons done que des mesures sérieuses de conservation seront prises pour en assurer définitivement la sauvegarde.

(1) Ainsi qu'une porte perçée au rez-de-chaussée dans le pignon nord du logis.

(2) On notera, par exemple, que la hauteur de la tour est égale à la longueur du corps du logis et qu'ainsi l'édifice s'inscrit dans un carré parfait.